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Mesures visant au recouvrement des comptes bloqués au Liban (2ème de 3 parties)

Publié le : 20/01/2022 20 janvier janv. 01 2022

IV.  INVENTAIRE DES ACTIONS ENTREPRISES AU LIBAN ET À L’ETRANGER POUR RECOUVRER LES DÉPÔTS BLOQUÉS
 
PAYS JURIDICTION CONCERNEE ACTION ENTREPRISE STATUT



LIBAN


Tribunal de Commerce
Action en recouvrement fondée sur le droit de la propriété défendu par la Constitution (art.15) et sur une modification unilatérale du contrat (art.221 COC)

Favorable aux déposants
LIBAN Juge des référés Demande d’accès aux comptes dans l’urgence Favorable aux déposants


LIBAN


Juge de l’exécution (JEX)
Saisie conservatoire d’actifs fonciers des banques,
Y COMPRIS SUR LES RESERVES OBLIGATOIRES AUPRES DE LA BDL 


Favorable aux déposants

LIBAN

Cour(s) d’appel
Recours introduit par toutes les banques ayant succombé en première instance
Défavorable aux déposants par crainte de la mise en faillite de tout le secteur bancaire





ANGLETERRE





High Court of Justice
(8 sept. 2020)


Action en recouvrement avec dommages et intérêts*



*La banque a contre-attaqué en assignant au Liban

Favorable aux déposants sur la QUESTION PRELIMINAIRE DE COMPETENCE JURIDICTIONNELLE :
- Même si le contrat de dépôt est soumis à la compétence du tribunal libanais ;
- Déposant résident anglais au moment de l’ouverture du compte
- Le déposant est un consommateur protégé par la loi anglaise
 


USA
District Court Southern District of New York
(9 avril 2021)
Daou v. BLC Bank

Supreme Court of the State of New York (commercial division)
13 mai 2021
Malaeb v. BankMed





Actions en paiement


Défavorable aux déposants =>   FORUM NON CONVENIENS


Rejet de la compétence juridictionnelle[1] malgré la satisfaction du critère de résidence au moment de l’ouverture du compte

 


FRANCE

Procureur de la République – Parquet National Financier Paris
30 avril 2021
Plainte pénale pour le Collectif des Victimes des Pratiques Frauduleuses au Liban
Pour blanchiment, recel et escroquerie


Aucune décision à ce jour
 

FRANCE
JEX confirmé par la Cour d’appel (PARIS) Saisie conservatoire de valeurs mobilières détenues par la banque
Favorable au déposant


FRANCE

Cas pratique : projet de saisie conservatoire
Existence d’une créance de prêt de la filiale française de la banque libanaise débitrice du compte devises bloqué
Demande de compensation => accord amiable négocié avec la banque qui a préféré une mauvaise publicité et une prise de risque

La décision la plus importante qui a été rendue en France à ce jour en matière de recouvrement des comptes bloqués au Liban est un jugement relativement récent du 19 novembre 2021 de la 9ème chambre (spécialisée dans les affaires bancaires) du Tribunal judiciaire de Paris.

Cette instance a démarré à l'initiative d'une déposante résidant en France depuis 45 années qui a assigné une banque libanaise pour la restitution de ses avoirs bloqués à hauteur de 2,7 millions de dollars US.

Dans son jugement ordonnant l'exécution provisoire, le Tribunal a condamné la banque à rembourser à la déposante la totalité des sommes se trouvant dans ses comptes libanais après avoir déclaré recevable la demande de la déposante.

C'est cette recevabilité qui posait justement question, dès lors que la banque contestait la compétence du tribunal français pour statuer sur le litige, au motif qu'elle ne disposait d'aucun établissement, agence ou succursale en France, ce qui n'était pas contesté.

La clé de la décision se trouvait dans la question de savoir si, d'une manière ou d'une autre, la banque avait dirigé ses activités en direction de la France, auquel cas le tribunal français était compétent pour statuer sur le litige par application de l'article 17 du Règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence judiciaire.

En l'occurrence, le Tribunal judiciaire de Paris a relevé à juste titre que:

- la banque libanaise avait fait signer à Paris le contrat d'ouverture du compte libanais;
- des préposés de la banque libanaise se déplaçaient plusieurs fois par an en France pour accomplir des formalités nécessaires auprès de la clientèle locale;
- la banque libanaise proposait le service des transferts internationaux ainsi que la gestion de comptes en devises, notamment en euros;
- les agents de la banque libanaise pouvaient être joints par des adresses mails ouvertes en ".com" démontrant une vocation internationale.

Il faudrait s'attendre à ce qu'un grand nombre de dossiers de litiges entre les banques libanaises et leurs déposants répondent aux critères de compétence dégagés par le jugement du 19 novembre 2021 qui encourage ces déposants à exercer des pressions pour un recouvrement de leurs fonds ou, à défaut, incitera alors les banques à conclure une transaction amiable plutôt que de subir un procès hasardeux.

En effet, même en ne disposant d'aucun établissement stable en France, la plupart de ces banques se seront engagées, d'une manière ou d'une autre durant ces dernières années, dans une vaste campagne commerciale ayant pour objectif d'élargir leur base de clientèle et d'attirer vers le Liban les dépôts des Libanais de la diaspora résidant de manière permanente à l'étranger.

Qu'il s'agisse d'une simple signature d'un contrat d'ouverture de compte effectuée à l'étranger, ou d'un déplacement vers la France d'un attaché de clientèle libanais cherchant à prendre attache avec un déposant potentiel de l'étranger, le moindre indice ayant laissé des traces sera nécessairement invoqué par ce dernier devant un tribunal forcé de l'examiner, si ce déposant ne dispose plus que d'un recours judiciaire pour obtenir satisfaction après avoir vainement réclamé pendant des années la restitution de ses dépôts.

Dès lors que la compétence du tribunal français était reconnue dans cette affaire, la solution du litige ne faisait plus aucun doute, même par application des dispositions de la loi libanaise qui, à l'évidence, reconnaît indiscutablement une obligation, à la charge du banquier, de restituer les fonds à son client déposant.

Or en l'espèce, la banque libanaise tentait une ultime acrobatie juridique pour esquiver cette obligation en assurant qu'elle avait résilié le compte de la déposante en lui remettant "un chèque pour le solde tiré sur la Banque Centrale du Liban à l'ordre d'un notaire à Beyrouth". 

La tentative de parade était tactiquement intéressante, sauf que le Tribunal était forcé de constater sur un plan pratique l'inefficacité de l'exécution de cette obligation, dès lors que ce chèque ne pouvait pas être encaissé au Liban et que, par conséquent, les fonds n'avaient toujours pas été restitués.

De manière plus précise, le Tribunal considère à juste titre que la remise par la banque libanaise d'un chèque tiré sur la Banque Centrale du Liban à l'ordre d'un notaire de Beyrouth n'est qu'une proposition faite par la banque pour l'exécution de son obligation de restitution qui peut être refusée par le créancier du dépôt de compte bancaire.     
V.   PROCEDURES NON ENVISAGEES
 
PAYS PROCEDURE MOTIF







LIBAN
Action de classe[2] Une telle procédure se heurte à des contraintes réelles et à un coût élevé dans sa mise en œuvre, couplés à l’incertitude politico-judiciaire qui règne dans le pays

Mise en faillite de la banque par son créancier déposant
Une telle procédure aurait des conséquences fâcheuses, la Garantie des Dépôts Bancaires au Liban étant limitée à LL75M, soit $3.000 au taux de change actuel
Pénale
L’ensemble de ces actions est gravement fragilisé « ab initio » par l’effondrement des institutions et de l’État au Liban et par la déliquescence d’un système judiciaire qui est, en principe, supposé être le dernier défenseur des droits du citoyen et un rempart contre la spoliation[3]
 
 



Cette procédure reste à la merci de l’imbroglio politico-judiciaire dont le pays est victime => le procureur financier avait ordonné en mars 2020 le gel des avoirs des dirigeants des banques pour voir sa décision suspendue par le Procureur général qui souhaitait éviter de plonger le secteur bancaire dans le chaos général
 
 
[1] TOUTES LES CIRCONSTANCES AYANT PRESIDE A L’OUVERTURE DU COMPTE CONTRIBUENT AU RATTACHEMENT (OU NON)=> en général, la configuration est la suivante :
  • Citoyen binational Libanais et détenteur d’une autre nationalité, résident (surtout fiscal) hors du Liban
  • Déposant ayant fait le déplacement au Liban pour ouvrir le compte et signer les documents
  • Le contrat d’ouverture du compte est expressément soumis à la loi et aux tribunaux libanais
  • Le compte est alimenté par des virements effectués depuis l’étranger (pour profiter de taux élevés)
  • DANS CES CAS PARTICULIERS : Les déposants étaient résidents, selon le cas d’Arabie Saoudite ou de la Floride (pourquoi assigner à NY ?) et avaient ouvert un nouveau compte en déc.’19, APRES la décision de blocage de l’ALB
[2] LES DEPÔTS DANS LES BANQUES TOTALISENT 140 MILLIARDS DE DOLLARS, DONT 80% LIBELLES EN USD
[3] Le nouveau gouvernement MIKATI (qui est un actionnaire important de la Banque Audi) estime à $53 Mds les pertes du secteur bancaire, devant être réparties (25% chacun ?) entre déposants, actionnaires banques, État Libanais et BDL), alors que le FMI les avait estimées à $63 Mds et Standard & Poor’s à $103 Mds.

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