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ASSURABILITÉ DU RISQUE PANDÉMIQUE

Publié le : 14/10/2021 14 octobre oct. 10 2021

La décision de référé rendue le 22 mai 2020 par le Tribunal de Commerce de Paris dans l’affaire qui opposait la Maison Rostang propriétaire de quatre restaurants parisiens à son assureur AXA a fait l’effet d’une bombe dans un contexte judiciaire rendu totalement atone pour ne pas dire paralysé par la pandémie du Covid-19 qui avait interrompu la plupart des procédures pendantes devant les juridictions.

L’affaire avait déjà un caractère exceptionnel découlant du fait que la demanderesse avait été autorisée à assigner en référé en démontrant l’urgence qui résultait de la situation financière gravement obérée de l’entreprise, celle-ci étant en mesure de démontrer, attestation d’expert-comptable à l’appui, un déficit de trésorerie très important qui excédait 200 000 euros.

Au-delà du débat, qui n’avait pas lieu d’être, soulevé par une société AXA soucieuse de mettre en avant toute sa panoplie de défense disponible et relatif à la réalité de la fermeture administrative, le juge des référés aura apporté une argumentation exemplaire sur la question essentielle qui se posait à lui, à savoir l’assurabilité du risque pandémique dans la garantie des pertes d’exploitation.

Le juge de l’évidence n’aura pas eu grand mal à puiser dans ses ressources argumentaires pour écarter le moyen de défense hasardeux soulevé par AXA, d’abord pour tenter de créer l’illusion d’une distinction essentielle entre la décision ministérielle et la décision préfectorale au sein de l’autorité administrative et, ensuite, pour amener le juge sur le terrain de l’obligation qui aurait dû d’après AXA peser sur l’assuré pour tenter de réduire ses pertes d’exploitation en pratiquant momentanément la vente à emporter.

La juridiction des référés écarte sans hésitation aucune ces éléments de diversion pour se concentrer sur le plan de résistance qui l’intéresse en premier lieu. Elle affirmera ainsi avec une banalité presque déconcertante qu’un ministre procède sans ambiguïté de l’autorité administrative et que l’activité de vente à emporter n’avait pas été autorisée pour les restaurants traditionnels exploités par la société demanderesse. 

Concernant la question principale centrée sur l’assurabilité du risque pandémique, le juge des référés développe une argumentation aussi implacable que sidérante: tout en affirmant que cette question complexe et d’ordre général n’intéresse pas le tribunal, celui-ci recentre le débat sur les dispositions contractuelles de la police d’assurance qui est la loi des parties. En clair, le tribunal vient rappeler la méthode mise en oeuvre par le juge de l’évidence pour statuer sur toute demande, dès lors que l’urgence invoquée a été constatée et admise. Point besoin d’engluer le débat dans des considérations lourdes et des principes d’ordre général pouvant relever le cas échéant du juge du fond, le juge des référés se raccroche sans contestation possible au concret gravé dans le marbre scellé par les parties dans le texte de leur contrat qui ne souffre aucune interprétation.

C’est en posant d’emblée ce constat incontournable selon lequel le débat général du caractère inassurable du risque pandémique n’intéresse pas le Tribunal, préoccupé exclusivement par les termes du contrat, loi des parties, que la juridiction consulaire dégage très logiquement et de manière limpide la conclusion selon laquelle la garantie est acquise aux motifs que:
  • AXA n’a pas expressément exclu le risque pandémique dans sa garantie ;
  • aucun texte légal ou d’ordre public ne déclare les pandémies inassurables ;
  • aucun événement préalable à la fermeture administrative n’est requis dans le contrat conclu entre les parties pour que la garantie soit acquise.
Certes AXA a annoncé avoir formé un appel à l’encontre de cette décision de référé, mais les moyens décisoires formulés par le Tribunal l’ont été avec une telle précision chirurgicale que l’issue de cet appel ne peut être envisagée par AXA qu’avec beaucoup de circonspection.

En raison même de la solidité des arguments et des principes de base ayant conforté la décision du juge des référés, il est extrêmement douteux que ces principes soient renversés en appel voire même dans la procédure au fond, même si les montants réclamés venaient à être révisés ou réduits. D’ailleurs il semblerait selon les dernières informations que la société tenterait activement de négocier une transaction amiable avec l’ensemble des assurés bénéficiant d’une police similaire à celle du Groupe Rostang et appartenant au portefeuille de polices placées par le courtier SATEC.

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