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LES FICHIERS VOLÉS ET LA PREUVE ILLICITE EN MATIÈRE PÉNALE

Publié le : 14/10/2021 14 octobre oct. 10 2021

Dans un arrêt du 27 novembre 2013 la chambre criminelle de la Cour de cassation décide que des fichiers informatiques contestés par le contribuable poursuivi pour fraude fiscale, blanchiment et autres chefs d’infractions pénales, ne constituent pas au sens de l’article 170 du Code de procédure pénale des actes susceptibles d’être annulés mais des moyens de preuve soumis à discussion contradictoire.

Par cette affirmation et en estimant par ailleurs que l’autorité publique n’était pas intervenue dans la confection ou l’obtention desdites pièces litigieuses correspondant aux fichiers informatiques contestés, la haute juridiction a rejeté la demande de retrait de la procédure pénale ouverte à l’encontre du contribuable de ces éléments de preuve entachés d’illicéité.

L’arrêt a pour origine et pour toile de fond une affaire largement médiatisée liée au détournement entre 2006 et 2009 par un ancien informaticien de la banque HSBC de fichiers informatiques contenant des données confidentielles concernant des comptes bancaires détenus secrètement, entre autres, par des contribuables français.

Ces fichiers, qui avaient été révélés pour la première fois à l’administration fiscale française par une prise de contact directe avec elle par cet informaticien qui tentait de monnayer leur communication, avaient fait l’objet d’une commission rogatoire internationale délivrée par les autorités suisses et exécutée en France, permettant ainsi aux autorités judiciaires françaises de saisir les données informatiques après une perquisition effectuée au domicile de l’informaticien.

L’exécution légale de ces mesures étant difficilement contestable, le débat portait essentiellement sur le fait que ces fichiers informatiques avaient fait, postérieurement à leur saisie, directement ou indirectement l’objet d’une intervention par les autorités françaises qui auraient donc ainsi “confectionné” ces données sur lesquelles pesait une suspicion d’absence d’intégrité, d’illégalité et d’absence d’équité.

L’intervention des autorités françaises sur les fichiers informatiques postérieurement à leur saisie avait été clairement démontrée à la chambre de l’instruction puisqu’elle faisait l’objet d’un rapport, qui avait été versé à la procédure, établi par les autorités suisses en date du 25 août 2010 et faisant état de cette intervention. Les autorités suisses avaient pu constater cette intervention postérieure à la saisie après avoir réussi à obtenir des autorités françaises le transfert de ces fichiers qu’elles réclamaient et qui permettaient de constater lors de leur consultation la date exacte de leur dernière modification, correspondant à celle de l’intervention, toute récente, des autorités françaises. Par ailleurs, un représentant de l’Etat français avait confirmé indirectement, dans un rapport publié en été 2013 pour tenter de dédouanner les autorités françaises, que celles-ci étaient “intervenues” sur les fichiers informatiques, alors que l’explication maladroitement donnée officiellement dans ce rapport était que 6000 comptes bancaires avaient été rayés de la liste finale des fichiers simplement pour éviter les doublons.

Face à cet imbroglio de fiscalité internationale et de piratage de données bancaires dignes d’un film de l’agent d’espionnage 007, la Haute Juridiction tente de tirer son épingle du jeu et se retrouve sur une corde raide, engluée dans une argumentaion juridique laborieuse et alambiquée. Dans les deux derniers paragraphes d’un arrêt exceptionnellement long qui s’apparente plus aux décisions rendues par la court suprême outre-Atlantique, elle prend soin de rappeler tout d’abord le fait, tout en le martelant avec vigueur, que le contribuable était “mis en examen des chefs de fraude fiscale, escroquerie en bande organisée, abus de biens sociaux, abus de confiance, blanchiment, passation d’écritures comptables inexactes, faux et usage de faux”, pour opposer ces chefs d’accusation à la requête en annulation de la plainte de l’administration, de manière à ridiculiser en quelque sorte cette requête et rendre plus crédible son rejet.

Cette longue énumération des chefs d’accusation qui, par son poids et sa gravité, ne peut qu’ écraser la requête permet alors de vider celle-ci de toute substance juridique pour permettre à la Haute Juridiction de porter le coup de grâce pour conclure sur un constat fort succinct et banal et sans autre analyse de fond selon lequel “la chambre de l’instruction a justifié sa décision”, au motif que “d’une part les fichiers informatiques ne constituent pas des actes ou pièces de l’information susceptibles d’être annulés mais des moyens de preuve soumis à discussion contradictoire, d’autre part les juges ont estimé que l’autorité publique n’était pas intervenue dans la confection des pièces litigieuses”.
 
Les amateurs du vrai droit pétri dans la règle de droit et enrobé d’un raisonnement affûté et à toute épreuve resteront cette fois-ci sur leur faim.

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