C’est un nouveau coup de massue qui a été porté au mythe de la non-assurabilité du risque pandémique par une toute récente ordonnance rendue cette fois par le Tribunal de Commerce de Nanterre en date du 17 juillet 2020.
Cette ordonnance est une contribution de plus apportée à l’édifice savamment construit par la jurisprudence depuis le début de la pandémie du Covid-19 car elle vient consolider le dispositif de protection des assurés bénéficiant d’une garantie de pertes d’exploitation face à des assureurs prompts à invoquer les clauses d’exclusion pour rejeter cette garantie.
L’affaire concernait cette fois non plus le secteur de la restauration mais celui de l’hôtellerie qui, en l’espèce, avait continué à fonctionner durant la pandémie en ouvrant ses portes à un personnel soignant et à son propre personnel chargé de maintenir les locaux en état pendant la période de fermeture administrative.
L’assureur concerné aura bien tenté de construire sa défense sur une succession d’arguments hâtivement tirés d’une interprétation étroite et sévère des dispositions contractuelles et des conditions d’exploitation très particulières imposées à l’assuré par la pandémie, mais ces arguments ont été systématiquement balayés les uns après les autres par le juge des référés.
L’intérêt de la l’ordonnance rendue réside tout d’abord dans le fait qu’elle vient rappeler les dispositions, souvent oubliées, de l’article 1104 du Code civil : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».
En clair, le critère de la bonne foi reste le prisme à travers lequel le juge sera toujours conduit à interpréter le comportement des parties et leurs motivations, la férule à laquelle restera soumise la forte tentation d’un assureur de recourir, en première analyse et dans un réflexe d’autodéfense, à une clause d’exclusion de sinistre.
Cette remarque mérite de figurer en tête des principes dégagés par le juge des référés, pour la simple raison que le contrat d’assurance comprenait, de manière assez surprenante, une clause d’exclusion applicable « aux pertes résultant des épidémies de grippe(…) ou de toute forme virale, ou des mesures sanitaires prises par les autorités publiques ». Or, il résultait clairement des dispositions contractuelles que cette exclusion s’appliquait exclusivement aux pertes pécuniaires de responsabilité civile de l’assuré et non pas à l’obligation de couvrir les pertes d’exploitation, à laquelle l’assureur tentait inélégamment de se dérober par une extension unilatérale et abusive de l’exclusion.
L’intérêt de l’ordonnance de Nanterre réside ensuite dans la mise en œuvre de la garantie des pertes d’exploitation en dépit d’un constat d’ouverture des hôtels demandeurs à la garantie durant la période concernée. Cette mise en œuvre découle très logiquement du principe de bonne foi qui contraint l’assureur à tenir compte du fait que cette ouverture limitée au personnel soignant n’avait rien à voir avec le fonctionnement normal qui est supposé être couvert par la garantie souscrite.
Au passage, le juge des référés aura confirmé de manière incontestable ce qu’on savait déjà depuis l’ordonnance rendue le 22 mai par son homologue parisien, savoir que les arrêtés ministériels des 14 et 15 mars 2020 ordonnant la fermeture des commerces étaient « d’application obligatoire nationale excluant la nécessité d’une décision administrative locale », comme le prétendait l’assureur pour accepter d’accorder sa garantie.
Il est tout aussi remarquable de constater que, pour assurer sa défense, l’assureur se sera embourbé dans des arguments tout aussi futiles qu’improbables, en essayant par exemple d’invoquer le fait que l’interruption de l’activité n’était pas totale dès lors que les bars de l’hôtel étaient autorisés à ouvrir pendant la pandémie pour les ventes à emporter (!).
Une telle dérive dans les moyens de défense où tout semblerait bon à prendre ne peut que rappeler la maxime selon laquelle le mieux est l’ennemi du bien et qui, ressurgissant dans un contexte de tension économique et sociale, ne pouvait avoir d’autre effet que d’agacer le juge saisi pour rendre au final sa main un peu plus lourde au moment du verdict. C’est une somme de 450.000€ que l’assureur aura été condamné à payer à titre de provision, dans l’attente du rapport de l’expert judiciaire.
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