Dans un arrêt récent rendu le 22 mai 2013 par la Chambre commerciale, la Cour de cassation a malheureusement manqué une occasion précieuse de faire un point rigoureux sur les conditions dans lesquelles des emprunteurs avaient pu accepter, en pleine période d’expansion économique, avec ou sans prise de risques, de souscrire un contrat d’assurance-vie lié aux performances de la Bourse avant de se retrouver dans une situation financière désastreuse lorsque les bourses mondiales se sont effondrées en raison de la crise.
En l’occurrence, un emprunteur avait négocié en 1998 avec le Crédit du Nord un montage financier en vue d’un investissement immobilier Périssol, dont l’objectif était de trouver un complément de revenu permettant de financer avec les loyers encaissés le remboursement des mensualités du prêt. Ce complément avait été proposé par la banque qui avait invité l’emprunteur à souscrire un contrat d’assurance-vie dont le rendement de l’épargne ainsi constituée était lié aux performances de la Bourse.
L’emprunteur, qui avait investi l’équivalent de 90.000 euros en 1998 et qui se retrouvait avec une somme de 83.000 euros en 2009 après le rachat de son contrat, avait assigné la banque pour fausse publicité en invoquant l’inadaptation du contrat que la banque lui avait fait souscrire dans le cadre du prêt in fine. Plusieurs arguments juridiques se chevauchaient dans le cadre du débat, mais personne ne contestait le fait que l’emprunteur était un “consommateur normalement attentif”.
Celui-ci se fait débouter de sa demande d’indemnisation au motif que la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde et que, en tout état de cause, l’emprunteur avait été suffisamment éclairé et averti, par les explications des conditions générales du contrat qu’il avait signé, des aléas que celui-ci comportait. On connaît la jurisprudence de la Chambre commerciale qui rejette les demandes d’indemnisation en constatant habituellement l’absence d’inadaptation flagrante du contrat à la situation particulière de l’emprunteur qui s’avère être un investisseur avisé, ou encore l’absence de fausse publicité dès lors que l’information sur les aléas encourus a été clairement portée à la connaissance de l’emprunteur.
Ces arguments sont repris de la même manière par la Chambre commerciale dans son arrêt du 22 mai 2013 mais celle-ci trébuche quand même dans son argumentation sur les éléments techniques du contrat d’assurance-vie. En effet, celui-ci proposait aux investisseurs, selon leur profil d’acceptation du risque, trois options très différentes l’une de l’autre: la première dénommée “gestion équilibre” dont le risque était nul puisqu’il prévoyait “un objectif de croissance régulière du capital”. La deuxième option dénommée “gestion dynamique” visait la recherche d’une performance en contrôlant la volatilité des marchés alors que la dernière option dénommée “gestion performance” visait, quant à elle, la recherche d’une performance maximale en acceptant la volatilité des marchés. De manière très contestable, l’arrêt a conclu qu’en ayant choisi la gestion équilibre, l’investisseur “avait été averti de ce qu’il souscrivait une option à risques, même s’ils étaient moindres que dans les deux autres cas”.
Au passage, la Chambre semble méconnaître totalement le fait que ladite option “gestion équilibre” était très clairement commercialisée avec “un objectif de croissance régulière du capital”. Il était incontestable qu’en se retrouvant 11 ans plus tard avec une perte sèche de 7.000 euros par rapport à sa mise de départ, l’investisseur ne pouvait pas avoir atteint un objectif d’équilibre qui était celui affiché et commercialisé par la banque dans le cadre de cette option particulière du contrat.
Par son arrêt trébuchant, la Chambre commerciale aura raté elle aussi son équilibre et manqué une occasion de rétablir celui qu’on attendait dans l’invalidation de certains contrats d’assurance-vie liés à des montages financiers proposés de manière assez contestable par le secteur bancaire dans le cadre des prêts in fine.
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